Charlie Bishop was here =)

Monsieur le directeur,
C’est poussée par mes grands parents que je vous écrit cette lettre aujourd’hui. On m’a demandé une lettre de motivation, mais je ne vois pas bien en quoi je devrais être motivée : l’art est une passion, pas une obligation, et c’est sans motivation aucune que je prendrai plaisir à créer de nouvelles ébauches. Je n’ai jamais eu l’ambition de rentrer dans aucune école spécialisée, mais si c’est là le prix à payer pour réaliser mon rêve, vivre de mes croûtes, je m’y consacrerai avec bonne volonté. J’ai choisi de faire le nécessaire pour y être acceptée, le reste n’appartient qu’à vous. Je ne pense pas être une élève exceptionnelle, ni jouir de beaucoup d’atouts que d’autres pourraient m’envier, mais je vous saurai gré de réellement prendre en compte ma petite personne avant que vous n’éliminiez le surplus d’artistes ratés qui n’auront jamais la chance d’intégrer votre école.
Je vous prie d’agréer, monsieur, l’expression de mes sentiments distingués.

Charlie Bishop.

Eugene Bishop, un inconnu parmi tant d’autres inconnus. Un homme dont la vie n’intéresse, et n’a jamais intéressé, personne. Comment ce petit morceau de vieux a-t-il pu forcer sa sublime femme, le mannequin Ingrid Vacth, à adopter son nom ? Telle est la question. Quoi qu’il en soit, ces deux phénomènes ne pouvaient donner naissances qu’à un être paranormal, Charlie. Bien heureusement, ils n’eurent pas le temps d’en créer un second, leurs caractères respectifs eurent raison de leur couple avant la catastrophe.
Commençons par la tache, voulez-vous ? Eugene Bishop… Personne n’est parfait, comme on dit. Cet homme illustre ce dicton à merveille. Architecteur de génie, son manque d’ambition le força cependant à demeurer peintre dans le bâtiment pendant qu’il créait la nouvelle Versailles dans son atelier. Ni pauvre ni riche, il ne fut pourtant pas triste de se marier, sept mois après leur rencontre, avec la belle Ingrid Vacth et sa fortune colossale… Pour se séparer 3 ans plus tard, laissant dans le sillage du fiasco de leur mariage un petit bébé tout rose aux grands yeux gris, Charlie Bishop.

6 Février 1992, 3 heures 47, je vous épargnerai l’onomatopée du cri déchirant qui fit faire un bond à toute la Norvège ce matin là. Eugene Bishop et Ingrid Vacth venaient d’ajouter une merveille supplémentaire sur l’île Spitzberg : parmi ses sources d’eau chaude, ses femmes de 2m50, ses neiges éternelles, on trouvait maintenant la petite Charlie Angela Jesper Bishop Vacth. Après deux ans de vie commune difficile, ses parents décidèrent, d’un commun accord, de divorcer. Pas trop tôt. Ingrid Vacth, femme exceptionnelle et d’une grande beauté, avait longtemps été jugée folle de s’être amourachée d’un tel homme, d’une telle tache, de ce personnage laid et grotesque, sans la moindre joie de vivre, sans prestige… Sans rien. Eugene Bishop n’était rien. Un lâche avant tout, qui céda volontiers l’enfant à son ex-femme lorsque celle-ci en exigea la garde. Se battre pour ce truc tout rose qui crie et pleure sans arrêt ? À quoi bon : l’individu ne savait même pas s’occuper de lui-même.
Malgré sa carrière extrêmement prenante, Ingrid accomplit l’exploit d’élever sa fille dans l’ambiance des défilés, au rythme des traversées de podiums et des séances maquillage longue durée. Cet univers particulier façonna Charlie. Elle en sortit… Différente des autres. Trop différente probablement, mais sa mère trop occupée ne s’en rendit même pas compte. La beauté de Charlie s’affirmait au fil des jours, elle était bien la digne fille du top model, mais vous connaissez sûrement l’histoire de Blanche-Neige, où la Reine-mère souhaite tuer sa fille pour rester à jamais la plus belle… C’est ainsi que se comporta Ingrid Vacth : il fallait éliminer la concurrence. Oh, non pas en confiant à un chasseur la tâche de lui ramener le cœur de Charlie, il fallait simplement la détourner de cet environnement, l’éloigner du milieu de la mode où l’on ne manquerait pas de la remarquer. Ainsi fut fait. De New York, la mère jalouse renvoya la jeune fille de 9 ans seulement dans son pays d’origine : la Norvège. Elle confia la déjà surprenante Charlie à ses grands parents, qui furent heureux de redonner du piment à leur vie de couple qui en manquait depuis quelques temps cruellement.
Charlie était une petite solitaire. Pas dans le sens péjoratif du terme, elle ne dédaignait pas spécialement la race humaine, elle ne voyait simplement pas la différence entre parler à Lucas, Ferdie et autres Marie, plutôt qu’à un arbre, un chat errant ou une pierre. Je vous l’accorde, Charlie est un cas. Il n’est pas rare de la voir échanger une conversation animée avec un verre d’eau, puis se faire passer pour muette auprès d’un passant qui lui demanderait son chemin. Elle a appris exprès le langage des signes dans l’optique de ne pas avoir à ouvrir la bouche en présence d’un être humain. Allez trouvez un sens à tout ça…
N’usant pas beaucoup des mots, la jeune fille trouva un autre moyen de s’exprimer. Incarné dans un crayon de papier et une feuille, ce moyen là était tellement plus subtil que les paroles qu’il toucha dès son arrivée en Norvège la fausse muette. Prenant des cours par correspondance et n’ayant pas de vie sociale, Charlie eut ainsi le loisir de se consacrer pleinement à cette nouvelle passion : L’art. D’abord quelques crayonnés au critérium, au crayon de papier, au crayon gras, puis de nouveaux fusains, du rotring, de l’encre, de la gouache, de la peinture à l’huile, des pots de peinture… Elle découvrait de nouvelles techniques au fil des jours, et en bonne autodidacte, passait des nuits entières à apprivoiser ces nouveaux instruments. Mais ce qu’elle préfère, c’est les simples croquis, les ébauches réalistes et les encrages discrets. C’est son rayon. Malgré ses efforts, elle a toujours eu du mal à s’approprier la peinture… Oh, certes, elle adore ça, sans aucun doute, n’empêche qu’elle ne parvient jamais à mettre autant de cœur dans une peinture entière que dans un simple coup de crayon. Passons.
Voyant cette nouvelle manière de s’exprimer à travers la patte délicate de leur jolie petite fille, les grands parents en firent part à la vieillissante Ingrid Vacth, qui passait désormais plus de temps assise aux premiers rangs des défilés qu’à briller sur les podiums. Celle-ci n’y vit pas d’inconvénients, et l’année des 15 ans de Charlie, son unique cadeau tenait dans une enveloppe : un billet d’avion pour Boston, où elle lui louerait un appartement en attendant la rentrée des classes à l’école des jeunes talents du bienveillant directeur Kylian Fox. Malgré la lettre de motivation sur l’art que ses grands parents l’avaient priée d’écrire, remixée par la suite par eux-mêmes pour que celle-ci corresponde à la Young Talent School de Boston, Charlie ne s’était pas du tout attendue à de tels changements. Elle allait devoir avoir affaire à des comédiens, des danseurs, des chanteurs, des musiciens, des écrivains, et, pire que tout, à d’autres artistes… Elle ne dit pourtant pas non, lorsque papi et mamie la poussèrent dans l’avion, ni lorsque sa mère lui tendit les clés de son petit appartement provisoire, ni lorsqu’il fut question de gravir l’escalier de l’école à la rentrée… Et la voilà.

Comment vous expliquer… Charlie, c’est un univers enfermé dans une jeune femme. C’est une autre façon de considérer le monde, de mettre sur un pieds d’égalité les hommes, les animaux, les objets et les matières… Charlie, c’est un mode de vie.
Peu bavarde avec les êtres humains, elle est, à l’inverse, capable de converser joyeusement en compagnie d’un gâteau, d’une table et d’un réfrigérateur. Elle s’exprime régulièrement grâce au langage des signes, qu’elle a adopté pour ne pas avoir à parler en compagnie des gens. Allez savoir d’où lui vient cette optique de la vie. Ce point de vue n’a pas de semblable, Charlie est … Différente. A vous de voir si vous ferez partie du peu de personnes qui apprécieront sa compagnie et auront la chance de l’entendre aligner quelques mots, ou de ceux qui la jugeront trop bizarre, trop originale, trop fraîche pour savoir accepter son caractère hors norme. En fait, dans le second cas, vous n’auriez pas tort : sa fraîcheur peut être insupportable.
Elle n’aime pas se faire remarquer, elle trouve le monde trop grand, les gens trop nombreux pour avoir à imposer sa présence. Bien qu’elle soit asociale, elle apprécie la foule et n’est pas contre accorder un sourire, une moue ou un regard tant qu’il ne s’agit pas de parler.
Ce bout de femme est aussi extrêmement sensible. Une musique, un goût, une odeur… Même quelque chose qui n’a rien de touchant : elle ne voit pas, n’écoute pas, ne goûte pas. Elle ressent. Il sera donc plutôt fréquent de la voir pleurer à un angle de couloir lorsqu’elle verra quelqu’un boire à la fontaine, ou au contraire, laisser s’échapper un petit rire discret quand elle lira le menu de la cantine… Ne cherchez pas à comprendre, ni à l’imiter, il est probable que vous n’y parveniez pas et soyez plus frustré encore qu’au départ. Cependant, si Charlie ne sait pas exprimer ses sentiments autrement qu’à travers un crayon ou un pinceau, elle est un vrai décrypteur quand il s’agit de comprendre les autres. Elle n’est pas bête, au contraire. Ce n’est pas parce qu’elle ne parle pas qu’elle ne comprend rien, et en plus, elle est très honnête. A sa façon, évidemment. Lorsqu’elle vous prendra pour modèle, elle ne cherchera pas à rétrécir votre nez, ou à camoufler un bouton mal placé, elle n’essayera pas de vous faire sourire si vous êtes triste. Et si vous lui mentez, elle ne tentera pas de vous faire dire la vérité. Mais soyez sûr qu’elle la saura quand même. Elle voit tout. En sacrifiant la parole et en se concentrant sur ce qui l’entoure, Charlie s’est, d’un côté, renfermée sur elle-même, mais de l’autre, elle en apprend tellement plus en un regard sur quelqu’un que la plupart des gens qui cuisineraient cette même personne pendant des heures qu’on pourrait presque dire que ce caractère l’a ouverte au monde…
Un phénomène, je vous dis…

Commençons par le haut, voulez-vous ? Vous pourriez vous perdre en route. Une chevelure blonde platine et frisée, naturellement, à l’instar de celle de sa mère, dont elle peut aussi jouir d’avoir hérité des grands yeux gris, alertes et vifs, joliment soulignés de cils interminables, ainsi que de la démarche souple et du discret déhanché qui fit la renommée d'Ingrid Vacth. Un petit nez tout à fait charmant, une peau blanche et laiteuse probablement due à ses origines scandinaves et les lèvres charnues de son père,à qui elle a aussi pris le minuscule grain de beauté au dessus de la bouche. Un joli portrait. Charlie n’a pas vraiment de défauts physiques, à vrai dire… On aime ou on n’aime pas, mais rien n’est foncièrement laid, chez elle. Elle a également hérité de l’ossature fragile et de la morphologie gracile de son top model de mère. Les membres longs et fins, les épaules carrées mais délicates… On ne peut pas nier qu’elle resplendit. Elle pourrait aussi se vanter d’avoir une chute de reins entêtante ainsi que des jambes immenses, mais elle n’en fera rien, évidemment.
Osez donc dire qu’elle n’a pas de charme =).

Oh, elle aime tout. Mais VRAIMENT tout. Une grosse moumoute rose ? Pourquoi pas. Un pantalon en latex vert à strass jaunes ? À envisager. Elle porte ce avec quoi elle a un bon « feeling ». Que voulez-vous u_u’. Elle affectionne particulièrement ce qui sort de l’ordinaire, les vêtements d’autres époques et d’autres cultures. Elle aime d’ailleurs se les confectionner elle-même. La matière dont elle ne peut pas se passer, c’est la dentelle. Que serait le monde sans dentelle, je vous le demande ? Comment ça pas si différent ?! Je vous assure que pour Charlie, ce serait le suicide. Sinon, elle choisit les tissus légers et aériens, ni trop vifs, ni sans couleurs… Quoique. Elle n’est pas difficile.

Voyons, on aime un individu, pas un sexe. On ne saurait cependant pas dire si Charlie eût déjà été amoureuse, ou si au contraire, elle est amoureuse de tout. Elle ne possède pas d’animaux mais a toujours rêvé d’avoir un chat à elle toute seule. En plus de la peinture et du dessin, Elle aime beaucoup l’art, bien qu’elle ne soit douée que dans ses propres domaines ; elle va beaucoup au cinéma, ou aime énormément écouter les jeunes de la classe de musique travailler ; elle est envoûtée en regardant les danseurs et tous sens aux aguets lors d’une pièce de théâtre. Bien évidemment, recluse comme elle est, elle ne pourrait pas vivre sans livres, et jeter un œil aux ouvrages de la classe d’écriture ou aux articles des journalistes en herbe fait aussi partie de ses hobbies favoris. En réalité, on ne l’aurait jamais imaginé dans une autre école que celle-là.